Como una forma de participar y dejar un registro de lo que fue el Festival Internacional de Poesía, FIP 2022, publicamos hoy a la poeta Chloé Delaume, en traducción de Pablo Fante. Chloé Delaume, ha escrito en muchas formas y medios. Ha publicado casi una treintena de libros, que incluyen novelas, fragmentos poéticos, teatro, ensayos y autoficción. Ganó el premio Décembre 2001 por Le Cri du Sablier. Su último libro, Le cœur synthétique obtuvo el Premio Médicis 2020. Colabora regularmente con artistas: videoartistas, diseñadores y músicos, y realiza actuaciones, piezas sonoras e intervenciones. En 2020 publicó un álbum, Les fabuleuses mésaventures d’une héroïne contemporaine, con Dokidoki.
El poder del violeta
Los muros de la ciudad gritan y cada letra es una llama
Ellas cruzan el incendio, su sonrisa de napalm
Convierte a los ogros en un ramo de boj
Guardan algunos que atraparon con lazo
Para dar el ejemplo, los echan a la parrilla
Preparan un festín de depredadores asados
Erguidas y dignas, avanzan
En su garganta crepitan palabras llenas de verdades
Las calles y caminos acogen lo que se vuelve una multitud
Son niñas, son mujeres, jóvenes, menos jóvenes o muy viejas
Son libres y exigen que llegue el gran despertar
Les da lo mismo que sus risas generen reproches
Conocen cada corte de los engranajes ancestrales
Saben que sus antepasadas pagaron el precio
La lengua trozada en pedacitos
Lomo y sueños rotos, entregadas a los padres e hijos
Abusadas, forzadas, la psiquis descuartizada
Atribuidas preñadas
Poseídas explotadas
Molidas y humilladas
Bocas cosidas con un mismo hilo
Más blanco que sus labios muertos
Por no haber podido nunca articular un Yo quiero
Cada frase existencial vivida como una tachadura
En el principio era
El Verbo
Sí pero ¿cuál?
En el principio era el verbo someter
Erguidas y dignas, avanzan
Ven que algunas a su lado hoy caen
Todavía, todavía, todavía
Bosques de moretones cargando la misma historia
En el centro del universo está la falocracia
Su sombra se desplaza, es la que indica la hora
Con el poder como diapasón, el hombre posee, ha conquistado
El mundo le pertenece como los cuerpos allí presentes
Y los perfora tanto que algunos mueren
Sin que nadie tema el castigo de la justicia
Los muros de la ciudad gritan y cada letra es una llama
Ellas cruzan el incendio con el alma inflamada
Preparan el mañana en que todas serán liberadas
La noche no existe ni para ellas ni sus hermanas
Aunque su frente está encastrada con mil dolores
De su estatus de víctima se despojan aquí
Sus lágrimas no son más que un recuerdo que brilla
Su carcasa de mártir lentamente se agrieta
Su corazón de amatista se anima en la plaza
Ellas lo saben: la resiliencia es un cuento para niños
El kit de post supervivencia solo un disfraz
A pesar de eso, devoran las zarzas y ortigas
Son heroínas y son miles
A la vergüenza la matan a manos limpias sin pestañear
En su piel se dibuja el alba de una mitología
Son hijas de Lilit
Primera mujer antes que Eva
Son hijas de Lilit
Primera mujer en decir que no
En el centro del universo el tótem se fractura
De tanto estirar la cuerda su sombra se descosió
El mundo va a cambiar de hora
Ya los vidrios se rompen al son del carillón
Son hijas de Lilit, por eso se yerguen
Convierten en estatuas de sal a quien las agrede
La lluvia las disolverá, su nombre será ahogado
Los muros de la ciudad gritan, los edificios se incendian
Ellas bailan alegres, por montones, artesanas de la hoguera
¿Oyen su canto? Es la cuarta ola
La voz de ustedes se suma a ese coro ardiente
Todas somos el incendio, en vano dan la alarma
Sobre las cenizas de los ogros construimos nuestros nidos
La noche no existe para quien mató a sus temores
La noche no existe, solo hay cazadores
Seamos el día furioso que derrite sus fusiles
La puissance du violet
Les murs de la ville crient et chaque lettre est une flamme
Elles traversent l’incendie, leur sourire de napalm
Change aussitôt les ogres en un bouquet de buis
Elles en gardent certains attrapés au lasso
Pour l’exemple elles les jettent au creux des braseros
Elles concoctent un banquet de prédateurs rôtis
Droites et fières, elles avancent
Dans leur gorge crépitent paroles de vérité
Les rues comme les sentiers accueillent ce qui devient foule
Elles sont filles, elles sont femmes, jeunes, moins jeunes ou très vieilles
Elles sont libres et réclament qu’advienne le grand réveil
Elles se moquent que leurs rires puissent appeler les reproches
Des ancestraux rouages, elles connaissent chaque encoche
Elles savent que leurs aïeules en ont payé le prix
La langue découpée en tout petits morceaux
Reins et rêves brisés, livrées aux pères et fils
Abusées, violentées, la psyché équarrie
Assignées engrossées
Possédées exploitées
Broyées et humiliées
Bouches cousues d’un même fil
Plus blanc que leurs lèvres mortes
De n’avoir jamais pu articuler Je veux
Chaque phrase existentielle vécue comme une rature
Au commencement était
Le Verbe
Oui mais lequel?
Au commencement était le verbe assujettir
Droites et fières, elles avancent
Elles voient qu’à leurs côtés certaines tombent aujourd’hui
Encore, encore, encore
Des forêts d’ecchymoses charriant la même histoire
Au centre de l’univers est la phallocratie
Son ombre se déplace, c’est elle qui indique l’heure
Pouvoir en diapason, l’homme possède, a conquis
Le monde lui appartient comme les corps qui s’y trouvent
Alors il les perfore au point que certains meurent
Sans que ne soit redoutée de la justice la foudre
Les murs de la ville crient et chaque lettre est une flamme
Elles traversent l’incendie, ignifugée, leur âme
Elles préparent les demains où toutes seront affranchies
La nuit n’existe pas pour elles comme pour leurs sœurs
Si leur front est serti de mille et une douleurs
Leur statut de victime, elles s’en dépouillent ici
Leurs larmes ne sont plus qu’un souvenir qui scintille
Leur carcasse de martyre lentement se fendille
Leur cœur en améthyste s’emballe sur le parvis
Elles savent: la résilience est un conte pour enfants
Le kit d’après survie relève du déguisement
Pour autant elles dévorent les ronces et les orties
Elles sont des héroïnes, et elles sont des milliers
La honte, elles l’assassinent, à mains nues, sans ciller
Sur leur peau se dessine l’aube d’une mythologie
Elles sont filles de Lilith
Première femme d’avant Eve
Elles sont filles de Lilith
Première femme à dire non
Au centre de l’univers le totem se fissure
À tirer sur la corde, son ombre s’est décousue
Le monde va changer d’heure
Déjà les vitres se brisent au son du carillon
Elles sont filles de Lilith, alors elles se redressent
Elles transforment en statue de sel qui les agresse
La pluie les fera fondre, leur nom sera noyé
Les murs de la ville crient, les bâtiments s’enflamment
Elles dansent joyeuses, nombreuses, du bûcher, artisanes
Vous entendez leur chant, c’est la quatrième vague
Votre voix vient rejoindre celles de ce chœur ardent
Nous sommes toutes l’incendie, en vain ils sonnent l’alarme
Sur les cendres des ogres nous bâtissons nos nids
La nuit n’existe pas pour qui a tué ses peurs
La nuit n’existe pas, il n’y a que des chasseurs
Soyons le jour furieux qui fait fondre leurs fusils